Fondée en 1928 à Ismaïlia (Égypte) par l’instituteur Hassan al-Banna (grand père du très médiatique Tariq Ramadan) qui n’avait aucune formation ou légitimité religieuse, la Confrérie se voulait d’abord – dans la lignée d’un certain nombre de théoriciens musulmans modernistes (Djamaleddin al-Afghani, Mohammed Abdou, Rashid Rida) - un mouvement de réforme d’un Islam en déliquescence dont les adeptes n’ avaient pas su faire face aux évolutions du monde moderne et se trouvaient de ce fait placés sous la domination étrangère de puissances coloniales prédatrices. Or, loin de s’ancrer dans la modernité et l’adaptabilité, Hassan al-Banna fait résolument le choix de la réaction et de l’affrontement.
Le postulat politique de base des fondateurs de la Confrérie tenait de fait en un syllogisme simple, voire simpliste :
- - l’Islam a connu une gloire et un rayonnement inégalés pendant l’âge d’or de ses ancêtres fondateurs (salaf),
- - or toutes ses interprétations et évolutions novatrices n’ont conduit qu’à la ruine et à l’asservissement,
- - donc il faut faire table rase de toutes ces évolutions et revenir à l’Islam des origines, à l’imitation (tabligh) des fondateurs, en particulier à la lecture littérale des textes révélés, pour retrouver l’âge d’or.
Dans une Égypte alors sous contrôle britannique relayé par une monarchie d’origine albanaise implantée par l’ancien occupant ottoman se dessinent, à travers l’instauration d’un Parlement, les prémices balbutiantes mais réelles d’une démocratie élective. La démonstration des « Frères » séduit immédiatement nombre d’élites intermédiaires exclues du pouvoir et des privilèges – notamment en terme de rente - qui y sont attachés parce qu'elles n'ont aucune des qualités nécessaires pour le conquérir et l'exercer démocratiquement. Il s'agit en général de la frange la plus conservatrice et la moins dynamique du commerce, de l'artisanat, des employés moyens de la fonction publique, de l'enseignement et de certaines professions libérales. L’ordre théocratique islamique prôné par la Confrérie, régi à la lettre par des sources du droit vieilles de quinze siècles, conférerait à ces cadres « naturels » de la société, une légitimité transcendantale et confortable qu'il n'est besoin ni de conquérir ni de disputer contrairement au modèle démocratique et électif de l’Occident.
De fait, et dès sa naissance, la Confrérie reproduit les schémas des organisations d’extrême droite partout dans le monde. Elle en reproduit également les modes de fonctionnement : xénophobie, exclusion, rejet de toute démarche scientifique, insultes et anathèmes, violences physiques. Hassan el-Banna est exécuté en 1949 pour sa participation à l’assassinat du Premier Ministre égyptien.
Associés à la lutte nationaliste contre la présence britannique et contre la création de l’État d’Israël, ils comptaient en retirer les bénéfices dès 1952 par l'accession au pouvoir du Général Néguib, sympathisant de la première heure. Leur hâte à vouloir éliminer physiquement Gamal Abd-el-Nasser, véritable organisateur du putsch mais considéré comme trop incertain, leur vaut une vigoureuse réaction de ce dernier qui arrache le pouvoir à Néguib et décrète contre eux une politique de répression impitoyable. Cette répression est marquée par l’interdiction légale de la Confrérie en 1954, des persécutions et procès permanents, l’exécution de plusieurs de ses leaders dont, en 1966, Sayyid Qotb, idéologue d’un nouveau radicalisme et père spirituel des activistes d’aujourd’hui.